* C’est scientifiquement prouvé : votre geste va inciter d’autres et ainsi démultiplier votre engagement !
Merci Sonja pour cet engagement infatigable depuis tant d’années !
Atelier Sonja T., Lausanne
Sonja Trachsel tient depuis 2004 un petit atelier à deux pas de la gare de Lausanne : l’Atelier Sonja T. On y trouve ses propres créations, essentiellement fabriquées à partir de matériaux récupérés, ainsi que des articles réalisés par d’autres créateurs indépendants ou des ateliers protégés. Dans le cadre de notre projet de revaloriser les bâches de notre expo « Nos vêtements ont une histoire », nous avons pu faire plus ample connaissance avec Sonja. Extrait de rencontre.
Racontez-nous plus en détail le projet des débuts
Plus jeune, j’avais envie de me lancer dans une carrière créative. Cela n’a pas été possible car les débouchés étaient alors trop restreints aux yeux de mon entourage. C’est en suivant mon mari en Italie pour son travail que j’ai eu l’occasion de m’adonner à ma passion, la couture. J’avais envie de créer des objets de mes propres mains et d’être indépendante. Nous sommes restés quelques années en Italie et j’ai suivi la formation de styliste de mode à Rome. De retour en Suisse, je me suis lancée dans la création de vêtements et de sacs que je vendais au Marché des Artisans à Lausanne. C’était une activité accessoire, j’entrais tout juste dans mes frais.
Le Prix du Design Suisse en 1999 m’a ouvert de nombreuses portes, car la presse a parlé de mon travail. En 2004 j’ai ouvert mon atelier au Simplon 9 – en reprenant le local d’un cordonnier parti à la retraite à 85 ans ! – et le simple fait d’avoir pignon sur rue m’a apporté plus de visibilité et plus de clientes. Certaines me suivent depuis le début et sont restées fidèles.
Parlez-nous de votre atelier aujourd’hui
Le concept a un peu évolué, j’ai commencé à me diversifier et j’ai complété mes propres créations avec des articles réalisés par d’autres petits producteurs suisses.
L’atelier est spécialisé dans la fabrication sur mesure de sacs et accessoires à partir de matières récupérées. Ces dernières années, j’ai été amenée à transformer des bâches de l’exposition REFLETS du Musée de Zoologie en cabas, porte-documents et trousses, ou à réaliser une collection avec des bâches récupérées de la Fête des Vignerons 2019.
Depuis quelques années, je reçois de plus en plus de demandes de réparation, le plus souvent pour des fermetures éclair, mais la plupart des clients renoncent pour des raisons financières. Une fermeture éclair, c’est assez délicat à remplacer et les gens n’imaginent pas le temps que cela prend. Je voudrais sauver plus de sacs, mais je tiens aussi à gagner ma vie de manière décente – je n’ai pas encore trouvé de solution à ce problème.
C’est une des difficultés de ce métier, il n’est pas toujours possible de dégager un salaire, la frontière entre bénévolat et salariat est parfois très mince.
Quels changements avez-vous observés durant toutes ces années ?
La prise de conscience des alternatives écologiques est plus grande, la durabilité est de nouveau à la mode. Malgré tout pour les clientes le porte-monnaie a toujours le dernier mot.
Je pense qu’il faut sans cesse s’adapter aux nouvelles technologies et en tirer le meilleur pour soi. Internet à cet égard est une grande aide pour faire des recherches sur le matériel, trouver de nouveaux fournisseurs, etc. J’ai également lancé une boutique en ligne, mais malheureusement les ventes par ce biais restent décevantes, c’est très difficile pour un petit acteur face aux géants du web.
Comment avez-vous tenu le coup toutes ces années ?
Grâce au bouche-à-oreille, à la parution d’articles dans la presse, à la publication de deux de mes créations dans un livre, à la distinction du Prix Suisse de Design et à quelques expositions. Un service après-vente à l’écoute de la clientèle, mais aussi un loyer bas et un solide coussin d’épargne pour absorber les moments plus difficiles.
J’ai aussi su garder une certaine ligne – c’est-à-dire vendre uniquement du Swiss Made ou des objets issus de la récup’ – même si j’ai dû faire quelques concessions sur certains articles, car les fabricants ont délocalisé en Allemagne.
Propos recueillis par Fanny en novembre 2024
Des boutiques, marques et ateliers engagés pour une mode responsable depuis toujours (ou presque) ? Il y en a ! En novembre 2023, on a parlé avec quelques-uns de ces vieux de la vieille.
La teinture et l’impression végétales offrent des nuances intenses !
Avec Créa-Tine, on ouvre une parenthèse bienvenue d’échanges autour de l’artisanat, la teinture et l’impression végétales. Martine Fiaux Porchet partage avec générosité sa passion pour ces deux techniques : la teinture végétale qui consiste à appliquer une décoction de plantes tinctoriales (le bain de teinture) sur des tissus préalablement préparés pour que la couleur soit durablement fixée (le mordançage), et l’impression végétale qui permet de créer une empreinte directe d’un feuillage ou d’une fleur sur des tissus.
Dans cet atelier de créations textiles à Oron-la-Ville, différents cours sont ouverts à toutes et tous, y compris aux novices. Malgré (ou grâce à) son bagage d’ingénieure, Martine sait expliquer sans jargon le fonctionnement de ces techniques. La pratique, elle l’a acquise sur plusieurs années après avoir suivi différentes formations. Elle tient à faire prendre conscience de la valeur de ce savoir-faire et à démocratiser ces techniques. Car avec de bonnes bases, on obtient non seulement des teintures qui perdurent mais aussi une palette de couleurs intenses.
C’est en 2004 que Martine se lance dans la création textile, sous le nom de Créa-Tine, une contraction de « création » et de « Martine » mais aussi le nom d’une protéine indispensable à nos muscles pour bouger. Ses créations sont alors un exutoire, elle est ingénieure dans le domaine agroalimentaire. Pendant son temps libre, dans un coin de la maison, elle donne vie à différents accessoires (pochettes, écharpes, etc.), essentiellement à partir de chutes de tissus et de dentelles anciennes. En 2010, elle fait son introspection. Revoir ses priorités lui fait prendre conscience que la création textile en fait partie. Son époux obtient dans le même temps un emploi à l’étranger. Martine est emballée par l’idée de changer d’air et met sa machine à coudre dans la valise. À Pékin puis à Londres, elle poursuit ses créations, elle enseigne et se forme aussi. Elle découvre un terreau très fertile pour la création textile en Angleterre. La transmission des savoirs y est ancrée, presque culturelle. La société s’organise autour de guildes de patchwork, de broderie ou encore de tricot et les «foundation year» (cours d’une année d’initiation à différentes techniques dans un domaine défini, permettant de choisir une voie aux universités anglaises) sont répandues. C’est d’ailleurs en Angleterre que Martine découvre la teinture végétale. Une révélation. Elle suit deux trimestres de cours sur les techniques de teinture végétale et d’impression végétale.
En revenant en Suisse en 2019, elle est surprise de constater que l’engouement pour ces techniques ne s’est pas encore propagé. Elle crée alors son jardin tinctorial, continue les expérimentations de différentes techniques sur différents tissus. Créer des nuances colorées la fait autant vibrer que de valoriser de belles toiles. En 2021, l’atelier de créations textiles en teintures et impressions végétales ouvre au public.
Si les premières teintures de synthèse sont apparues vers les années 1850, on maîtrisait l’art de teindre toutes sortes d’étoffes bien avant. La teinture végétale nécessite un certain nombre de connaissances ; un savoir-faire ancestral que l’atelier Créa-Tine souhaite faire reconnaître. Et refaire connaître. La technique est accessible à toutes et tous, mais il n’en reste pas moins nécessaire de savoir ce qu’on fait pour ne pas être déçu·e – Internet regorge d’offres de cours plus ou moins sérieuses – et pour ne prendre aucun risque, ni pour soi ni pour l’environnement. La teinture végétale recourt effectivement à certaines substances qui, mal utilisées, peuvent s’avérer dangereuses.
Son passé dans la science permet à Martine de savoir comment manipuler ces substances et, si besoin, de les remplacer par d’autres plus accessibles ou moins nocives. Avec le temps, on a appris à se passer de certains éléments, comme l’urine ou le cuivre. Cela peut impliquer que certaines nuances spécifiques ne pourront pas être reproduites, mais la palette des couleurs est telle que ce n’est pas véritablement contraignant. Devoir composer avec certaines limitations, c’est peut-être aussi de nature à nourrir la créativité… Comme le rappelle Martine, il s’agit de savoir ce qu’on fait et d’avoir du bon sens.
L’Atelier Créa-Tine propose différents modules de cours, toujours en petit groupe pour avoir le temps d’apprendre et de partager. C’est un format qui permet de dépoussiérer l’image qu’on peut avoir de ces techniques de « baba cool » : réaliser des couleurs très soutenues, très intenses, prouve qu’il n’y a pas que le beige et le jaune pâle !
La suite ? L’atelier Créa-Tine va continuer à promouvoir la valeur de l’artisanat, au travers d’expositions ou de cours. Martine a d’ailleurs récemment été admise au sein de deux associations des métiers d’art dont le but est de sauvegarder les gestes de métiers qui tendent à disparaître.
L’association des Métiers d’Art Suisse, participation aux Journées Européennes des Métiers d’Art (JEMA 22-24 mars 2024)
L’Association Vaudoise des Métiers d’Art, participation aux journées « Métiers d’Art dévoilés» à Morges, 21-23 juin 2024.
Propos recueillis par Fanny en novembre 2023, auprès de Martine Fiaux-Porchet
L’univers d’ART·HENIA,
Lausanne
ART·HENIA est née le 21 décembre 2000. Cette arcade de la rue piétonne du Pré-du-Marché propose sur 150 m2 des vêtements et accessoires pour hommes, femmes et enfants, en plus d’une ribambelle de produits issus du commerce équitable. L’équipe d’ART·HENIA – six personnes à mi-temps – sort aussi volontiers des murs de la boutique pour participer à la vie associative et alternative de Lausanne et environs.
Quand Gonazalo s’est lancé il y a plus de 20 ans, il existait bien quelques structures de commerce équitable, mais quasiment aucune pour les vêtements. Infirmier de formation, il avait travaillé pour différentes ONG et connaissait le milieu du commerce équitable. Il s’est ainsi décidé à monter ses propres filières pour n’avoir aucun intermédiaire. Son crédo : de l’atelier au magasin, à un prix abordable pour que le vêtement soit accessible à toutes les couches de la société.
Car la particularité d’ART·HENIA – s’il fallait n’en citer qu’une – c’est d’avoir ses propres filières. Créer ce genre de structures n’est pas une mince affaire et ne se solde pas toujours par un succès. L’idée est de mettre en relation fournisseurs de matières premières, ateliers de confection et consommateurs finaux à travers une collection. Gonzalo tient à collaborer avec des structures qui accompagnent les personnes défavorisées et les enfants de rue. Que ce soit Inde ou en Amérique latine par exemple, la démarche est la même : il visite les ateliers de confection, y rencontre les gens et fouille tous les recoins. En parallèle, il cherche des tissus répondant à ses critères d’éthique et de qualité. Il coordonne le tout, si bien que l’atelier de confection peut se focaliser sur la production. Quand tout se passe bien, l’atelier s’autonomise assez vite. Et quand ça ne marche pas, la collaboration s’arrête simplement là.
Désormais les filières sont en place, si bien que Gonzalo n’a plus à voyager aussi souvent. Il continue à s’intéresser aux nouvelles matières. S’il y a encore 10 ou 15 ans, il trouvait facilement du coton bio produit en Inde ou au Népal, c’est moins évident aujourd’hui. Ce qui explique qu’ART·HENIA a pris quelques distances avec le coton qui est, par ailleurs, un gros consommateur d’eau. Ses collections sont produites en partie avec du lin d’Italie ou de la laine danoise. Travailler avec de la laine suisse ? Gonzalo n’y est pas opposé, mais sait que sa clientèle n’achètera pas une paire de gants à 60 francs. ART·HENIA veut accueillir tous les revenus, il faut donc rester à l’écoute et chercher des alternatives, comme le lyocell, une fibre d’eucalyptus.
Comment ont évolué les choses depuis les années 2000 ?
La boutique est bien plus grande qu’à ses débuts et a élargi son assortiment. En plus des vêtements, on y trouve un tas d’articles, de l’encens en passant par le thé et le savon. L’équipe s’est dernièrement lancée dans la torréfaction du café. ART·HENIA est un commerce comme les autres et doit s’adapter et évoluer.
Au niveau du textile, pas mal de marques engagées sont arrivées sur le marché. ART·HENIA en propose dans son assortiment, mais reste sur le qui-vive. Certaines marques encore anonymes il y a quelques années ont eu la folie des grandeurs. « On ne vend pas du commerce équitable comme on vend du coca. On finit le stock de certaines marques et on arrête », raconte Gonzalo. Il nous parle du phénomène de la pomme de terre à la Mig*** : la marque commence petit et cherche à grandir un peu, jusqu’au jour où elle décroche un super contrat avec un grand distributeur. Elle s’agrandit encore et tout part en cacahuètes quand le distributeur révise les règles du jeu. Là, la marque est coincée : comme elle a tout misé sur le gros distributeur, elle est dépendante de ses conditions et c’est souvent à ce moment qu’elle revoit son éthique à la baisse.
Ce rapport de force s’installe aussi dans le sens inverse. ART·HENIA a les reins (et la tête) assez solides pour refuser les politiques que certains grands groupes de commerce équitable veulent imposer. La recette du succès ? Une clientèle qui accepte certaines « contraintes », en particulier d’attendre ou de faire avec la marchandise à disposition. La boutique peut compter sur une clientèle fidèle, des personnes de 15 à 80 ans, intéressées par les fibres naturelles ou désireuses de concrétiser leur engagement social à travers leurs achats. Par clients fidèles, il faut imaginer qu’ART·HENIA a accueilli des ados, aujourd’hui papas, qui sont encore des réguliers de la boutique. Ça rend Gonzalo positif sur l’évolution de la société et sur l’avenir. Si sa génération (il est né dans les années 70) était du genre à aimer les décapotables, les jeunes d’aujourd’hui voient les choses différemment.
L’invitation d’ART·HENIA : on vous propose sans jugement un assortiment complet sur un plateau. À vous de choisir ce que vous en faites. Alors, vous allez voir ?
Propos recueillis par Fanny en novembre 2023, auprès de Gonzalo Amaya, co-fondateur d’ART·HENIA
Vitrine de la boutique Ayni,
Genève
Un lieu où trouver des conseils sérieux en matière de mode éthique et de commerce équitable à Genève ? La boutique Ayni. En plus d’un bel assortiment de vêtements pour hommes, femmes et enfants, la boutique partage son expérience de plus de 15 ans dans le domaine.
Aux débuts des années 2000, l’association « Les Projets Waki » fait de la coopération Nord-Sud avec la Bolivie. Elle vend des produits artisanaux sur les marchés jusqu’au jour où l’opportunité de reprendre une arcade se présente. Sans business plan ni capital, sans se poser trop de questions non plus, le groupe d’amis se lance. C’était en 2006.
Les premières années, la boutique Ayni peut compter sur le soutien des personnes investies autour des Projets Waki. Ce réseau est solide mais il ne suffira pas : en 2010-2011, la boutique peine à tourner, les ventes ne sont pas à la hauteur et elle repose sur trop peu de personnes. Pourtant, si à ce moment-là la boutique ne fait que vivoter, la volonté de proposer des produits éthiques et équitables pour le quotidien, elle, reste intacte.
L’association redouble alors d’efforts, elle publie des annonces pour trouver des forces nouvelles et un·e gestionnaire de la boutique. L’équipe s’active aussi pour trouver des fonds. En 2012, le comité se renouvelle, développe un concept marketing et rénove la boutique. À l’époque, il était plutôt rare de trouver des marques engagées sur les questions d’éthique et de commerce équitable. Lorsque la personne chargée de revoir le positionnement de la boutique leur fait remarquer que la clientèle ne vient pas parce que les vêtements sont équitables, mais parce que ce sont de beaux produits, c’est le déclic. L’équipe retravaille la vitrine et son discours.
Le travail de fond reste le même : à travers une procédure de sélection mise en place par la boutique Ayni, les marques sont questionnées sur les conditions sociales des ouvrier·ère·s, sur les procédés de fabrication, les lieux de production, etc. Car la vente de vêtements n’est « que » le moyen choisi par l’équipe pour mettre en lumière la manière dont sont produits nos habits, questionner les marques sur leurs pratiques, renseigner les consommateur·trice·s sur les alternatives.
Gaétan Morel, actif depuis les débuts au sein du comité de l’association, observe que la clientèle est plurielle. Ce sont des personnes intriguées par une vitrine qu’elles ne connaissent pas encore, des convaincu·e·s de la première heure par l’économie sociale et solidaire et même des personnes sensibles à la fast-fashion. Depuis 2015, l’association semble avoir trouvé son rythme. Le chiffres d’affaires augmente d’année en année, si bien qu’une personne peut être salariée à mi-temps pour la gestion de la boutique. Une assise essentielle pour que l’association poursuive son objectif : soutenir des filières à impact social et environnemental positif.
La longévité de la boutique Ayni semble difficile à expliquer. La forme associative soulève de nombreux défis (assurer la relève et la transmission du savoir notamment) ; elle est indéniablement aussi une force : le groupe joue un rôle important, il offre une certaine souplesse que d’autres boutiques n’ont pas forcément, apporte dynamisme et résilience.
Aujourd’hui ? Le COVID est passé par là et, comme bien d’autres commerces de proximité, la boutique Ayni traverse une période délicate. L’association cherche à en comprendre les raisons : est-ce parce que les marques qui étaient proposées en exclusivité chez Ayni se retrouvent désormais dans d’autres magasins ? La clientèle de la boutique Ayni aurait-elle changé ses habitudes et achèterait-elle davantage en ligne ? La boutique devrait-elle s’agrandir pour proposer une palette encore plus large, voire unir ses forces avec d’autres acteurs du domaine (création locale, réparation, location, seconde main) ? Les questions sont ouvertes mais le comité entend quoi qu’il en soit investir plus de temps pour intensifier les échanges avec les acteurs qui partagent les mêmes valeurs.
L’avenir nous dira quelle direction prendra l’association Ayni pour une mode équitable et écologique. Ces jours-ci, elle accueille une nouvelle gestionnaire de la boutique. Une bonne occasion d’aller (re)faire un tour à la rue John-Grasset.
Propos recueillis par Fanny en novembre 2023, auprès de Gaétan Morel, membre fondateur de la boutique Ayni
Merci Olivier pour tous tes conseils !
Olivier Lambiel, trentenaire, originaire du Valais
Réparateur indépendant d’électroménager
Tu t’es lancé dans la réparation pour faire barrage à la surconsommation. Après 10 ans d’activités, quel bilan tires-tu ?
Ma clientèle est d’environ 70 % de femmes et 30 % d’hommes, de 30 ans et plus. Je dirais que 20 % viennent dans une dynamique de réparer plutôt que de jeter, indépendamment du prix. Les autres cherchent plutôt à réparer pour dépenser moins.
En matière de vêtements, on a l’impression que seul le prix compte aujourd’hui. Est-ce pareil dans ton domaine, ou est-ce que les gens intègrent la notion de qualité, marque fiable, appareils de 2e main, etc. ?
Oui, le premier critère reste le prix, même si je prends le temps d’expliquer à mes clients pourquoi il vaut la peine de réparer. Au début, j’ai récupéré beaucoup d’appareils dans l’idée de faire de la revente d’appareils reconditionnés (réparés), mais cela n’a pas fonctionné du tout. Tout le monde préfère acheter du neuf pas cher plutôt que de l’occasion.
C’est là que je constate que c’est réellement le consommateur qui décide : tant que les gens continueront à acheter des appareils pas chers et irréparables, les fabricants n’auront pas à changer. Sauf s’ils y sont obligés par des lois.
Au niveau des prix toujours, est-ce que les gens sont prêts à payer le juste prix pour faire revivre leur appareil ?
Ce sont malheureusement souvent les personnes qui ont de bons appareils (réparables) qui, si la réparation dépasse un certain montant, préfèrent acheter un nouvel appareil à prix cassé pendant le Black Friday ou via des enseignes qui cassent les prix sur Internet. A cause de ces prix cassés, les gens perdent la notion de ce que vaut réellement un objet (matière première, transport, montage et la valeur des travailleurs). Paradoxalement, ce sont les personnes qui ont des appareils non réparables qui insistent pour que j’essaie de les réparer.
J’ai trouvé ce calculateur de l’OFEN sensé nous aider à savoir si ça vaut la peine de réparer. Je suis très surprise que l’énergie grise ne soit pas intégrée à la réflexion. Comment fais-tu pour recommander si la réparation vaut la peine ?
Je conseille toujours de réparer les bons appareils, c’est-à-dire ceux qui sont conçus pour être réparés et pour lesquels on trouve des pièces de rechange. Par contre, je déconseille de réparer les appareils pas prévus pour, surtout si le client fait appel à moi pour la première fois. Car si la réparation ne fonctionne pas, il gardera en tête que cela ne vaut pas la peine de faire réparer.
Ce comparateur stipule de jeter les appareils à partir de 10 ans, c’est scandaleux. Pour tous les appareils mécaniques, il y a des pièces d’usure. C’est comme pour les voitures : on change quelques pièces d’usure durant les services d’entretien, mais on ne change pas de véhicule après une crevaison… J’interviens souvent chez des clients qui ont des appareils de 20 et même 30 ans qui fonctionnent encore parfaitement. Il faut juste faire ce service d’entretien.
Le problème des nouveaux appareils, c’est qu’ils sont bourrés d’électronique trop sophistiquée. Après 3-4 ans déjà, l’électronique pose problème. L’autre problème, ce sont les normes de consommation des appareils, toujours plus strictes. Il doit y avoir des modules électroniques en plus pour gérer tout cela (usure prématurée des composants électroniques).
A mon sens, c’est mieux d’avoir un appareil simple qui consomme un peu plus à l’utilisation mais qui dure 20 ou 30 ans, qu’avoir un appareil qui consomme de moins en moins mais qui, après 3-4 ans, doit être remplacé à cause de l’usure prématurée de l’électronique. Cela m’est déjà arrivé plusieurs fois pour des lave-linge et des lave-vaisselle (de la grande marque en M) que les clients préfèrent changer à cause du coût trop élevé de la réparation.
Selon ton expérience, quelle est la durée de vie d’un lave-linge et d’un sèche-linge ?
Les anciens appareils durent 15 à 20 sans réparation et jusqu’à 30 ans avec réparation/service d’entretien.
Pour les appareils récents, ceux qui sont très sophistiqués comme les sèche-linges à pompe à chaleur, je dirais 6-8 ans. Les moins pires tiennent 8-10 sans réparation, 15 ans et peut-être plus avec réparation/service, on n’a pas encore assez de recul.
Y a-t-il des éléments « fragiles » qui cassent ou rendent les lave-linge, sèche-linge ou fer à repasser inutilisables ?
Pour le gros électroménager, les fabricants regroupent souvent plusieurs pièces pour nous obliger à changer un bloc complet et pas seulement le composant défectueux. Cela fait grimper le prix des réparations.
On ne peut pas citer la meilleure ou la moins bonne marque. Mais ce sont souvent des appareils en promotion ou des marques qui cassent les prix pour inciter à racheter du neuf qui sont les moins bons élèves en matière de réparabilité. À cause que les réparations futures reviendront trop cher, ou simplement parce qu’il n’y a pas de stock de pièces de rechange. Ce stock de pièces a un coût : loyer, gestion du stock, fortune bloquée à déclarer aux impôts, employés à payer, etc.
Pour entretenir son linge sans trop salir la planète, on nous recommande de laver à basse température et de choisir des lessives avec un écolabel. Ton expérience de réparateur te fait mettre un bémol, tu peux nous expliquer pourquoi ?
Laver à basse température détériore prématurément les appareils à cause des bactéries qui prolifèrent très vite, encrassent et bouchent les appareils plus vite. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut réparer, à part en remplaçant tout le bloc (ce qui est hors de prix).
Pour faire cette recommandation, ils ont pris en compte uniquement la consommation directe, sans tenir compte de l’énergie grise globale pour la production, l’acheminement, et le recyclage de tous les composants de l’appareil.
Ton conseil pour faire vivre ses appareils le plus longtemps possible ?
Consommer autrement en arrêtant d’acheter des appareils sophistiqués qui ne sont pas conçus pour être réparés. Si le consommateur n’achète plus ces appareils, les fabricants seront obligés de changer.
Lorsque je vends du petit ou gros électroménager, le service de conseil pour l’achat, de durabilité, de réparabilité et d’entretien est inclus dans mon prix (parole de réparateur) avec d’autres avantages pour inciter les gens à consommer autrement.
Propos recueillis par Fanny
Merci Emanuel !
Emanuel Perez, Lausanne
Qui es-tu / D’où viens-tu / Quel est ton parcours de vie et/ou professionnel?
Né en Suisse, je suis d’origine chilienne. J’ai un diplôme de responsable en bâtiment et travaille dans ce domaine.
Quelle(s) démarche(s) pour une mode responsable as-tu entreprise(s)? Comment en es-tu arrivé là?
Je pense que nous sommes tous influencés, malheureusement, par les grandes enseignes et les grandes marques. On les voit partout : en boutiques, dans les vitrines. À nous de faire les bons choix ! Depuis ma plus tendre enfance, une partie de mes habits est de deuxième main. Aujourd’hui, je choisis généralement des habits de marque. En 2e main, c’est nettement moins cher qu’en boutique ! Comme ils sont non seulement de marque mais aussi de qualité, je peux les revendre ou les offrir.
L’aspect / l’élément qui te marque quand on parle des enjeux de l’industrie de la mode?
Le déséquilibre en matière d’écologique ou de condition humaine du travail et la surproduction pour accroître l’économie.
Quelles sont tes sources d’inspiration? Et d’information?
Ce sont les gens qui prennent conscience de l’enjeu de la mode et de cette surconsommation qui n’est pas forcément nécessaire qui m’inspirent et m’informent, comme Double You Couture par exemple. Je ne suis pas très réseaux sociaux !
Une anecdote en lien avec une de tes tenues ou les vêtements en général?
Dans ma jeunesse j’ai été influencé par le mouvement hip-hop et je portais des habits larges. Aujourd’hui je les ai toujours et je les porte encore, même 20 ans après ! J’en prends soin et que je les répare si nécessaire.
Quel conseil / astuce pourrais-tu partager pour que d’autres puissent passer à l’acte ?
De faire des choix en toute connaissance de cause.
Merci Marion pour le partage !
Marion Savioz, Lausanne
Qui es-tu / D’où viens-tu / Quel est ton parcours de vie et/ou professionnel?
Je m’appelle Marion et je suis Home Organizer. J’ai travaillé plusieurs années en marketing dans des grandes entreprises et en agence de communication. A l’arrivée de mon premier enfant, j’ai réalisé que j’étais en quête de sens et de liberté. J’avais besoin d’une autre vie. Je me suis mise à désencombrer chez moi. Je me suis rendue compte du bien-fondé de cette démarche. Je me suis demandée s’il existait des métiers liés au rangement. Oui : Home Organizer ! C’est un métier qui aide des personnes à trier, à désencombrer mais pas seulement. Je trouve génial de faire comprendre aux gens qu’on peut consommer autrement en prenant de nouvelles habitudes et donc limiter le gaspillage.
Comment définirais-tu ton profil vis-à-vis de la mode?
Je suis une ancienne shopping addict. Pendant des années j’ai surconsommé la mode selon mes envies aussi bien en fast fashion qu’en marques de luxe. J’en suis revenue grâce au travail personnel que j’ai fait sur le désencombrement. Et j’ai réalisé que tous ces vêtements, c’était du gaspillage.
Aujourd’hui de manière générale j’achète beaucoup moins. Quand je fais un achat, il est raisonné. Je me pose la question de ce dont j’ai besoin. Je garde aussi une dimension plaisir mais elle n’est plus compulsive.
Je réalise 80% de mes achats dans des enseignes de seconde main en ligne, type vide dressing ou market place. Pour des choses précises je fais encore un peu en fast fashion.
J’essaie de ne pas me culpabiliser : je me suis mise dans l’état d’esprit de consommer moins et mieux. Mais c’est très dur de ne pas culpabiliser quand je n’ai pas le choix. J’essaie de ne pas me rajouter de charge mentale au quotidien.
Quelle(s) démarche(s) pour une mode responsable as-tu entreprise(s)? Comment en es-tu arrivée là?
Dans l’éco-responsabilité, j’entends plusieurs choses : donner, réparer, transformer. J’ai tout récemment découvert l’upcycling de vêtements. J’ai trouvé une couturière qui peut me transformer une robe en haut et jupe, une grande chemise en petit haut ou tout simplement couper un jean en short. Elle me répare aussi toutes sortes de vêtements.
Autre intérêt de l’upcycling : il permet de se libérer de la pression sociale de la mode et de la minceur pour consommer mieux et moins. Par exemple ce matin j’ai voulu mettre la jupe de mon mariage et elle est un peu serrée à la taille. J’ai eu deux enfants alors mon corps s’est transformé. Cette jupe, je ne vais pas la donner mais la faire retoucher. Grâce à cette approche, ce n’est plus à moi de rentrer dans la jupe, c’est ma jupe qui s’adapte à moi.
Une fois que j’ai épuisé ces possibilités, je vais en magasin. Et là je privilégie la seconde main. Si j’achète du neuf, je regarde les étiquettes et j’essaye de consommer européen.
L’aspect / l’élément qui te tient le plus à cœur quand on parle des enjeux de l’industrie de la mode?
Au-delà des problématiques évidentes liées à l’écologie (pollution liée au transport, destruction de l’écosystème aquatique à cause des teintures, surconsommation des ressources en tous genres), le sujet des conditions sociales et des impacts humains est hallucinant. J’ai vu un reportage sur Arte (Fast fashion : les dessous de la mode à bas prix). Même en Europe, au Royaume-Uni il y a de l’exploitation d’êtres humains. C’est tout le système qui n’est pas viable et destructeur pour les ressources et les humains.
Quelles sont tes sources d’inspiration? Et d’information?
Je recherche beaucoup d’infos sur le site de la FRC et je regarde tous les reportages possibles liés à l’écologie à la télévision. Je suis sur instagram et pinterest des comptes liés à ces thématiques. Je suis également des hashtags qui proposent des idées pour transformer des vêtements. Par exemple #Triftflip.
Une anecdote en lien avec une de tes tenues ou les vêtements en général?
On m’a souvent fait des compliments sur une jupe en upcycling : je l’avais acheté 5CHF dans une friperie en grande taille car j’aimais le tissu. Je ne regarde plus ces vêtements de seconde main comme des vêtements en tant que tel mais en tant que matière première.
Quelle est ta vision de l’association FAIR’ACT?
Une association qui permet d’informer les gens sur comment consommer autour de la mode. C’est aligné avec ce que je prône. Quand je vois des personnes à la sortie du confinement se ruer sur la fast fashion, je me dis qu’il y a encore un grand besoin d’information et d’éducation. C’est chouette qu’un maximum de gens s’engagent pour porter le message “consommer moins mais mieux”.
Quel conseil / astuce pourrais-tu partager pour que d’autres puissent passer à l’acte ?
Avant de s’acheter quelque chose, se demander si on en a besoin. J’utilise la méthode BISOU, c’est une espèce de routine à mettre en place
B : Besoin
I : Immédiat : souvent l’achat est compulsif et peut répondre à d’autres types de besoin ; si pendant deux jours je n’y pense pas c’est que ça va passer, c’est pareil avec la nourriture
S : Semblable : est-ce que j’ai déjà un habit qui répond à un besoin similaire à la maison
O : Origine : d’où vient le vêtement ?
U : Utile : du coup à la fin, est-ce utile ?
Je pense aussi qu’il faut se partager les bonnes adresses en allant sur les sites comme FAIR’ACT et FRC.
Un mot pour conclure?
Chaque petit geste compte. Pour une personne, ce sera réparer, pour une autre ce sera aller en seconde main. Même si tout n’est pas juste, ce qui est important c’est de se mettre en mouvement.
Propos recueillis par Vinca Bonduelle
Merci Lydie !
Lydie Théodoloz,
née en 1935 à Nax,
petit village du Valais,
3e fille d’une famille
de 10 enfants (9 filles et 1 garçon).
Dans les années 40, à la fin de la guerre, les moyens et donc les achats étaient très limités et tout était précieusement gardé et reprisé. Les vêtements, on en avait très peu et on soignait particulièrement les habits du dimanche. Chaque vêtement se transmettait de sœur en sœur et était bien souvent utilisé par 4 d’entre nous au moins. Les vêtements étaient fabriqués chez le tailleur que l’on trouvait « en plaine » et parfois (par exemple les sous-vêtements) étaient cousus par notre maman. Nous portions les mêmes vêtements toute la semaine (le mot d’ordre inscrit par l’école sur notre carnet scolaire était de « changer au moins notre tablier chaque semaine » ;-).
L’entretien du linge, nous le faisions une fois par semaine aussi. Le linge blanc était traité différemment du linge en couleur. Le linge blanc était d’abord trempé dans de l’eau froide avec de la soude pendant une nuit. Ensuite le linge était « cuit » dans une couleuse, une sorte d’énorme marmite chauffée au feu de bois avec du savon noir. Dernière étape du lavage : nous nous rendions ensuite au « bassin communal » où nous rincions le tout à l’eau froide.
Pour les couleurs, c’était un peu plus simple. Nous trempions le tout dans de l’eau tiède avec de la soude et du savon noir. Ensuite c’était également rincé au bassin communal.
Pour ce qui est du séchage, tout était mis à sécher dehors, hiver comme été. Nous repassions (au fer à charbon encore dans les années 30) uniquement les habits du week-end.
Dès 1945 nous avons eu un fer à repasser électrique et ensuite, en 1950, la première machine à laver !
Propos recueillis par Anne-Sophie Bitz
Merci Solange pour cette réflexion évidente !
Solange Breton,
Château-d’Oex
Originaire de Château d’Oex, « p’tit Sol » comme l’appelle son grand-père, confectionne ses habits elle-même.
« Ma maman m’a transmis son savoir depuis petite, je pouvais donc coudre, broder et tricoter avant même de l’apprendre à l’école. Il y a deux ans, je cherchais un cadeau pour la naissance du bébé d’une de mes collègues. Un cadeau qui fasse sens pour moi et qui prenne soin de la santé du nouveau-né et de notre planète. J’ai ressorti ma machine à coudre et je lui ai confectionné un habit. C’est ainsi que je me suis remise à la couture et que j’ai commencé à confectionner petit à petit tous les habits que je porte, ainsi que divers accessoires tels sacs ou bandeaux. Dans une démarche écologique, il est essentiel pour moi de privilégier des matières naturelles (coton bio, lin, chanvre, tencel et liège). Je pratique depuis quelques années une démarche globale de zéro-déchet, j’achète en vrac et je favorise les commerces de proximité. Par besoin de cohérence, je ne pouvais plus cautionner le commerce et la politique des marques d’habits de prêt à porter. J’avais besoin de me rapprocher encore au plus juste de mes valeurs. J’ai donc commencé à faire des recherches sur le net, sur des blogs et grâce à des tutos et des sites de créatrices de patrons, j’ai appris et affiné en autodidacte toutes les techniques de découpe, de patronage et de couture. Pour les fournitures, je commande essentiellement sur le net sur trois sites suisses ; je n’ai pas trouvé pour l’instant de magasins de proximité qui proposent l’ensemble de ce dont j’ai besoin. Pour les boutons, j’utilise du bois, nacre, noix de coco ou des boutons de récup trouvés au fond d’un tiroir. Je récupère les chutes de tissus pour faire des bandeaux et des sacs ou pour rembourrer des poufs.
Petit à petit, c’est toute la chaîne qui est pensée et continue de l’être, de là où je me fournis jusqu’à comment j’entretiens ensuite mes vêtements. J’ai par exemple redécouvert le repassage qui devient un plaisir quand il s’inscrit dans le fait de choyer ce que l’on a créé. J’utilise de la lessive naturelle achetée en vrac et du vinaigre comme adoucissant.
C’est une fierté de porter ses propres créations mais c’est encore plus fort quand je les vois sur mes proches. C’est une part de moi qu’ils portent, de mes valeurs. Mon entourage réagit positivement ; j’entends parfois mais est-ce que je serais capable de faire la même chose, est-ce que j’aurais assez de temps ? A cela, j’ai envie de répondre que le temps passé devant sa machine n’est plus celui passé à faire du shopping et que l’argent dépensé en plus pour se fournir en matières de qualité se compense avec le fait d’avoir moins de pièces et d’en prendre mieux soin pour les utiliser plus longtemps. Quand à être capable, je pense que la base est déjà d’aimer la couture, sinon il ne faut pas se lancer, car on peut toujours trouver un autre moyen de contribuer à un environnement plus durable. Si toutefois quelqu’un souhaitait s’y mettre, je lui recommanderais de commencer par une jupe en coton, un modèle simple, le plus facile. Pour terminer, pratiquer cette activité me permet de démontrer qu’il est possible de faire de l’artisanat moderne, alliant esthétique, matières naturelles et récupération. Je ressens plus de bonheur et de légèreté ; c’est comme si le fait de ne plus consommer ou de mieux consommer me libérait. Si j’ai envie de transmettre mes valeurs et mon savoir-faire ? Oui, c’est une musique d’avenir. »
Propos recueillis par Sylvie Dupraz
Association Héros Ordinaires
Merci à Manuel pour son témoignage !
Manuel, 30 ans, Genève
Comme « jeune migrant engagé pour le climat », je dois bien gérer mes dépenses. Pour moi c’est aussi important de consommer de façon durable et de savoir ce que je possède. Aujourd’hui, la qualité n’est plus très en lien avec le prix. Pourtant, il suffit de faire un tour de reconnaissance pour tomber sur des pièces intéressantes presque partout. D’ailleurs, je trouve pas mal de vêtements dans les magasins de deuxième main et, malgré ce qu’on pense, leur qualité est très bien.
Pour mieux reconnaître les vêtements durables, et pour gagner en efficacité, j’ai fait quelques recherches à ce sujet. Trois choses importantes et pratiques se sont dégagées pour faciliter le choix : la nature du tissu, la caractéristique des finissions et le style de la coupe.
Premièrement, je sens la qualité du tissu au toucher, ou bien en appréciant sa transparence à l’aide d’une lumière. Il m’arrive aussi d’étirer ou de froisser légèrement (et discrètement) les vêtements pour voir s’ils reprennent leur forme originale facilement.
Deuxièmement, j’observe les principales coutures, les boutons et fermetures éclair, ainsi que leur solidité afin d’évaluer les finitions. Je demande aussi conseil à un vendeur ou à un ami afin de savoir quelles sont les coupes qui me conviennent le mieux. En général, on retrouve facilement ces caractéristiques quand on y fait attention. Si les coupes ont des noms, on peut directement cibler ce qui nous intéresse.
Pour moi, c’est donc important d’être sincère avec soi-même et clair avec ses besoins pour acheter (et garder) des habits conséquents avec sa façon de vivre et avec ses goûts. Avec ces quelques notions, cela va assez vite puisque je sais reconnaître ce que je recherche. Et pour rester cohérent, j’aime aussi mettre les vêtements que je ne souhaite plus porter à disposition d’organismes qui œuvrent pour la revalorisation de ces affaires.
Merci à Jeanne pour son engagement !
Pourquoi je suis devenue la responsable Fashion Revolution pour la Suisse romande?
J’ai vraiment l’espoir, dans le futur, que la mode équitable soit la norme et quelle soit accessible à tout le monde. On voit déjà que les gens sont de plus en plus sensibles à la question: « d’où viennent mes habits ? » et sont davantage conscients du travail fourni et des visages qui se cachent derrière la fabrication de leurs vêtements. Aider les gens à s’interroger sur leur impact sur l’environnement, c’est ce qui m’a motivée à contribuer au mouvement Fashion Revolution. Mon but est d’encourager les gens à faire passer un message positif de changement aux générations futures.
En créant le label de mode équitable apesigned, destiné aux hommes, femmes et enfants, j’ai pu prouver que les projets responsables sont réalisables. Ce label promeut l’upcycling et le sur-mesure avec le savoir-faire d’artisans vietnamiens et de minorités ethniques et fait connaître la diversité culturelle du pays.
Les créations sont dessinées avec passion en Suisse et confectionnées à la main par des artisans au Vietnam, leur permettant de maintenir – avec un salaire équitable – leurs ateliers familiaux. Je suis heureuse de montrer qu’une autre mode est possible !
Merci Sébastien pour ton témoignage sur ce sujet !
Le véganisme est pour moi un engagement politique et éthique dans le but d’exclure, autant que faire se peut, l’exploitation animale et la chosification des animaux. Comment s’habiller alors de façon éthique en étant végane ? Ce n’est, en soi, pas si compliqué : regarder les étiquettes, se renseigner mais surtout acheter « moins mais mieux ».
La matière est tout aussi importante que le mode de fabrication : je privilégie d’abord les vide-dressing et les boutiques de seconde main (Moule Frip’ à Fribourg). En acquérant des habits qui ne servent pas, j’essaie ainsi de minimiser l’impact qu’à mon existence sur terre. Ensuite je choisis des magasins et marques éthiques (Bottega Ethica & Rondechute à Fribourg, Freitag et Le Laboratoire à Lausanne) qui travaillent avec des matières végétales (si possible biologiques, locales et efficientes) comme le chanvre, le lin, le modal et le coton, ou qui font de l’upcycling (Rondechute avec les voiles et Freitag avec les bâches).
En optant pour ce choix, je suis d’accord de mettre davantage d’argent pour un vêtement ou un objet éthique, produit le plus localement possible et de meilleure qualité. Comme je suis également minimaliste, j’applique en même temps la règle des 33 vêtements : c’est le nombre maximum de vêtements (sans les chaussettes et sous-vêtements) que je m’autorise.
Pas de laine, de cuir, de plume, de fourrure ou de soie, car il y a de la souffrance dans ces matières : le capitalisme (aidé par la sélection génétique) considère les animaux et leur corps comme des ressources à notre disposition alors qu’ils en ont besoin pour vivre. Dès lors, il n’est plus possible d’exploiter avec respect. J’évite aussi les matières synthétiques à base de pétrole car elles se recyclent très mal et leur production nuit à l’environnement (et donc aux animaux et aux humain-e-s).
Pour résumer, allier véganisme et habillement est relativement simple : cela demande un peu d’entraînement, de savoir lire les étiquettes et trouver les informations, mais surtout de changer ses habitudes. La seule difficulté concerne les chaussures car il y a encore peu d’alternatives au cuir dans les commerces et les quelques rares modèles véganes sont presque toujours faits dans des matériaux dérivés du pétrole. Mais je suis confiant pour les années à venir et dans le développement des nouvelles matières végétales et naturelles, comme le Piñatex, le Bananatex, le liège, la pelure d’orange ou de pomme et le cuir de champignon !
Merci Justine pour ton témoignage et ta participation au Shopping Tour de Vevey !
Justine, 30 ans,
Collaboratrice administrative, Blonay
FAIR’ACT annonce sur Facebook son événement « Shopping Tour Vevey – acquérir autrement ». Ni une ni deux, je m’inscris. Habitant la région et étant sensible à la mode responsable, je m’en réjouis d’avance. Le rendez-vous est pris et le 6 octobre, rencontre avec Mathieu et départ avec un petit groupe vers le premier lieu, qui fut la boutique Lowkey Studio. Là, nous apparaît un temple du vintage pour homme mais aussi de quoi ravir certaines femmes qui aiment le look streetwear ou qui désirent une pièce leur permettant de casser un look trop chic ou classique. Des sweat Champion, des vestes Tommy Hilfiger, des chemises Valentino et plein d’autres marques encore qui sauront enchanter les amateurs. L’équipe travaille sans relâche pour dénicher de nouvelles pièces dans toute l’Europe et aux USA et a également des contacts à l’étranger qui chinent pour elle. Une boutique comme il y en a très peu, leur clientèle vient de loin. La preuve, nous sommes samedi et le magasin ne désemplit pas.
Nous nous rendons ensuite chez BRAVO !, un concept store qui met à l’honneur le Swiss made ou design minutieusement sélectionnés. C’est un lieu que j’aime venir visiter régulièrement, comme le personnel nous encourage à le faire, boire un café et dénicher des perles helvétiques. Aujourd’hui, avec la maîtresse des lieux Camille j’ai la chance de pouvoir en apprendre davantage sur le côté vestimentaire de la boutique. Camille est très sensible à la cause, elle nous présente différents stylistes avec lesquels elle a choisi de travailler. La plupart font créer leurs vêtements en Europe – parfois plus loin – mais toujours dans de petites usines avec des règles éthiques ou des entreprises familiales. N’expose pas qui veut chez Bravo ! et c’est tant mieux ! On a envie de tout essayer, de tout toucher tellement les matières sont nobles, soyeuses et de qualité. Hommes, femmes, enfants, sportifs, chics… il y en a pour tout le monde et pour tous les styles. Du bonnet, à la chaussure.
Puis nous traversons la rue pour aller au Lido. Quelle sacrée surprise ! Je suis déjà passée des dizaines de fois devant la belle devanture en bois de ce magasin, à regarder la vitrine sans jamais oser franchir la porte en pensant que c’était réservé à une clientèle plus mûre. Que nenni ! Nous sommes accueillis par Julien, qui est la cinquième génération à être à la tête de cette institution veveysane. Et nous découvrons un magnifique espace sur 2 étages pour homme, femme et même enfant. Une atmosphère chaleureuse où il y a de très beaux vêtements, d’un style certes plutôt classique (mais pas que…) et surtout pour les plus jeunes également. Ici on comprend tout de suite que le commerce de masse n’a pas sa place.
On va y favoriser la production locale (tant que possible), 2 collections par année et pas des tonnes et des tonnes de vêtements qui vont être brûlés faute d’avoir pu être vendus. Pas de soldes à tout-va et un très bon service, puisque le magasin est doté d’un espace couture où tous les vêtements peuvent être ajustés à la taille de chacun. La philosophie me plaît forcément beaucoup ! Nous reprenons la route en se disant que nous verrons dorénavant ce magasin d’un autre œil et aurons certainement plaisir à y revenir pour acheter un vêtement de qualité.
Pour notre dernière escale, c’est Anthony et Valentine qui nous accueillent dans leur atelier et nous présentent leur marque SeptemberMay. Ces deux artistes combinent leur talent pour créer de magnifiques sacs à dos pratiques pour un usage quotidien mais aussi très bons compagnons en voyage et en randonnées. Anthony nous montre l’arrière boutique et nous fait voir les différentes étapes de création des sacs. C’est passionnant et d’ailleurs on sent tout de suite qu’Anthony est un passionné et qu’il a à cœur de créer de belles pièces qui sont toutes uniques. Chez eux aussi, le local et l’écologie sont au centre des préoccupations. Ils sont en discussion pour faire faire dessiner et imprimer leurs propres tissus pour l’intérieur des sacs, mais chuuuut, c’est une prochaine étape ! Ils n’ont pas fini de nous surprendre en remettant constamment en question leur création afin de l’améliorer encore et toujours. Nous souhaitons plein succès à cette super marque et à cette famille car ils le méritent vraiment ! C’est autour d’un apéritif chez Bravo ! que notre après-midi shopping se termine. Merci à Mathieu qui nous a fait découvrir ces magnifiques endroits avec tant de plaisir. Merci à chacune des boutiques de nous avoir ouvert leurs portes, d’avoir partagé quelques-uns de leurs secrets et, surtout, leur passion !
Au revoir Zalando, H&M et cie ces rencontres et découvertes ont fini de me convaincre, je n’ai vraiment plus du tout envie d’entendre parler de vous ! Depuis cette fameuse après-midi, je suis retournée chez Bravo ! acheter un bonnet en cachemire tellement doux, passé chez Lowkey Studio à la recherche d’une chemise en jeans, emmené mon compagnon pour trouver une veste et un pantalon au Lido et réfléchis déjà à une future demande chez SeptemberMay pour une création personnalisée.
Je ne peux donc que vous recommander ces boutiques et, si FAIR’ACT passe près de chez vous prochainement avec un nouveau shopping tour, allez-y : vous ne perdrez pas votre temps !
Merci Emma pour ton témoignage !
Emma, 18 ans,
créatrice de vêtements, Grandson
Je ne crois pas me souvenir du nombre de défilés de mode que j’ai fait dans mon salon étant petite, en mélangeant toutes sortes de vêtements incohérents avec les chaussures à talons de Maman. Cette passion pour l’habillement a sûrement toujours été là au fond de moi. Mais le déclic s’est fait quand j’ai appris, grâce à ma tante, que l’on pouvait confectionner nous-même des vêtements, exactement comme on voulait qu’ils soient. En effet, c’est grâce à Tata, qui nous confectionnait de magiques costumes de princesse, de pirate ou de super-héros, pour mes cousins, ma sœur et moi, que j’ai su que c’était ce que je voulais faire.
A 15 ans, je me suis donc inscrite à l’Eracom de Lausanne, en filière création de vêtements, afin de concrétiser ma passion. Ces trois années ont été très importantes pour moi, car j’y ai fait des rencontres inoubliables. Surtout, j’y ai appris énormément de choses intéressantes qui ont fait la réussite de mon CFC au début de ce mois de juillet 2018.
Pourtant, chaque métier comporte sa part d’ombre… Celle du secteur de la mode est, je trouve, particulièrement obscure. En effet, l’industrie textile est parmi les plus polluantes de la planète. Et, aujourd’hui, la majorité de la population est liée à cette industrie. Parce que tout le monde s’habille ! Donc nous contribuons toutes et tous, de manière plus ou moins marquée, au réchauffement climatique.
Le plus dur, c’est de se rendre compte que le simple fait de s’habiller, une des premières choses qu’on fait le matin, nuit à ce point à l’environnement. Et une fois qu’on en a pris conscience, ce n’est pas une mince affaire de changer ses habitudes… Pourtant, il existe aujourd’hui tellement d’alternatives pour « shoppinguer » plus intelligemment. Aller en friperie, à des vide-dressing, acheter du seconde main en somme, est une des façons les plus efficaces et les moins coûteuses qui soit. Et je motive vivement cette solution. Ensuite, la plus noble des façons de faire est d’aller chez un artisan, qui produit localement, qui fait attention à sa production, qui trouve des solutions durables et efficaces pour l’environnement, qui réfléchit aux détails pour qu’on puisse se vêtir sans culpabilité.
Malheureusement, en Suisse, il en existe encore très peu, de ces créateurs de vêtements éco-responsables. C’est pourquoi mon « life goal » à long terme est de contribuer efficacement et durablement au changement d’attitude vis-à-vis de l’impact qu’on a, en tant qu’individu, sur l’environnement. J’espère réussir à faire prendre conscience que, même pour des choses aussi banales que s’habiller, nous avons tous le moyen de faire mieux.
Pierre-Michel, 24 ans….
Pierre-Michel,
Lausanne
Beaufort, c’est le nom de l’amiral anglais qui, en 1805, a créé une échelle pour mesurer la vitesse du vent et l’état de la mer. C’est aussi le nom du modèle de veste Barbour[1] que j’ai acheté en écosse en 1994. Alors étudiant en droit, cette veste était au comble de la mode dans les auditoires. Son côté classique et rustique, noble et paysan, agricole et urbain correspondait bien à l’ambiance de la Faculté de droit de l’Université de Lausanne de l’époque.
A la fin de mon cursus, j’ai entrepris un voyage en Ecosse. Acquise sur place, dans un vieux magasin tout de boiseries sombres et de tartans tendus aux murs, typique du centre-ville d’Édimbourg, cette veste m’a accompagné lors de longues pérégrinations dans la lande, le long des rives du Loch Ness entre Drumnadrochit et le Château d’Urquhart, sur le pont reliant Kyle of Localsh à l’île de Skye, dans les rues sombres d’Édimbourg, à une époque de ma vie sentimentalement assez tempétueuse…Le seul bon choix effectué dans cette période houleuse fût sans doute l’achat de quelques bouteilles de whiskey, de cette veste et de sa doublure en fausse fourrure acrylique. Fabriquée au Royaume-Uni en coton égyptien avec une fermeture éclair en laiton, un col en velours et une doublure en tartan exclusif, elle arbore fièrement en son intérieur, les armoiries de la reine Elizabeth II, du duc d’Édimbourg et du prince de Galles.
La particularité des vestes Barbour, c’est qu’elles sont enduites de cire ce qui les rend particulièrement résistantes aux intempéries. A l’achat, on vous conseille de faire l’acquisition d’une boîte de cire et d’une éponge pour la réimperméabiliser naturellement. Sur la doublure intérieure figurent, en dessous des armoiries royales, un long et complet descriptif d’entretien : pas de lavage en machine, pas de séchage, pas de produits chimiques. Si vous suivez ces recommandations, votre veste durera des années…Si, comme moi, vous n’êtes pas bricoleur, il existe un service qui se chargera de lui redonner son lustre. En Suisse, c’est l’entreprise REWAX de Fritz Allenbach[2] qui se charge de l’opération moyennant une participation de CHF 85.- plus les frais d’envoi.
Aujourd’hui, vingt-quatre ans plus tard, ma Barbour Beaufort, je l’utilise toujours et encore ! Particulièrement les jours de pluie, lorsqu’il s’agit de sortir mon chien (un magnifique scottish terrier couleur whiskey !). Sa grande poche besace permet d’emmener quelques accessoires utiles comme une bouteille de whiskey et un tube à cigares. Choyer ce vêtement durant toutes ces années, retrouver son odeur si particulière à chaque cirage, cela me ramène à chaque fois un peu en Ecosse…
[1] J. Barbour and Sons Ltd est une entreprise britannique fondée en 1894 par John Barbour renommée pour ses vestes en toile enduites d’huile puis par la suite de cire : « wax jacket ». De nos jours, c’est toujours une entreprise familiale depuis cinq générations, dirigée par deux femmes, Margaret Barbour et Helen Barbour, sa fille, comme vice-présidente. Pour en savoir plus on se référera utilement à la page Wikipedia et au site de l’entreprise: https://fr.wikipedia.org/wiki/J._Barbour_and_Sons
https://www.barbour.com/corporate-social-responsibility-ethical-trading-statement
https://www.barbour.com/eu
[2] REWAX – Fritz Allenbach Bergblumenstrasse 42 8408 Winterthur+41 79 736 58 13 f.allenbach@bluewin.ch
Merci à Cécile pour sa créativité !
Cécile Pittet, 52 ans,
Fribourg
Infirmière-indépendante
co-fondatrice d’Atout Vrac
C’est Jeanne, ma grand-mère, qui m’a transmis sa passion du tricot avant même que je ne commence l’école. Grâce à sa patience, le point « mousse » n’avait bientôt plus de secret pour moi. Et j’ai toujours tricoté depuis !
En primaire, mes maîtresses d’ouvrages m’ont donné le sens du travail bien fait. Plus tard, ma grand-mère était là pour me guider lorsque j’ai réalisé plusieurs paires de chaussettes pour mon amoureux qui accomplissait alors son école de recrue. Plus de trente ans après, Alain en porte encore certaines, ce qui montre bien que la pure laine est un matériau résistant.
Jeune adulte, il m’est arrivé d’offrir à des amies un « bon-tricot » comme cadeau d’anniversaire. Je donnais ensuite forme au pull ou à la jaquette de leur choix d’après catalogue. Quand ma fille était enfant, j’ai bien sûr fait des choses pour elle. Maintenant Adrienne réalise elle-même ses travaux d’aiguilles. En somme, je crois avoir davantage tricoté pour les autres que pour moi-même.
Tricots solidaires
Ma première expérience de tricot solidaire a été de soutenir la lutte contre le cancer du sein. Avec ma fille, nous avons tricoté des carrés roses avec de la laine héritée de ma grand-mère. Les carrés cousus devaient former un nœud géant, symbole de la cause.
Depuis plusieurs années, je soutiens l’association TADRA qui vient en aide à des orphelins du Tibet : soit en confectionnant chaussettes, bonnets, écharpes, doudous, etc. que M. Beat Renz, une des personnes de contact, apporte directement sur place, soit en réalisant d’autres pièces de vêtements vendues lors de marchés dans le canton de Fribourg.
Comme mon entourage, privé et professionnel, connait mon engagement solidaire, je reçois laine et coton en grandes quantités. Je suis très heureuse de transformer ainsi des matières déjà existantes (et non pas achetées exprès), cela les valorise et leur évitant d’être jetées : des restes de laine à chaussettes peuvent devenir des bonnets bien chauds ou des poupées colorées !
Par ailleurs, je partage la philosophie de FAIR’ACT qui encourage à acheter d’occasion, à recycler et surcycler.
Une activité sociale
Tricoter seul-e chez soi c’est bien, tricoter en groupe c’est encore plus sympathique ! Une fois par mois, je passe une soirée avec d’autres dames. Certaines tricotent pour elles-mêmes, d’autres pour des projets humanitaires. Ces rencontres, organisées par l’association du quartier d’Alt à Fribourg, sont ouvertes, chacun-e est libre d’y participer sans inscription. Les hommes sont aussi les bienvenus ! Mme Marthe Fontana, du magasin « Les Aiguilles à malices », est présente pour donner des conseils.
En-dehors de ces rencontres, j’ai toujours un ouvrage avec moi, que ce soit dans les transports publics ou en vacances. Je tricote quelques mailles en attendant le début de spectacles ou de concerts, y compris dans les églises, et même au camping du Paléo Festival, ce qui en étonne plus d’un ! Actuellement, je confectionne au crochet des sacs en filet dans l’optique du zéro déchet. Ce qui permet de joindre l’éthique et l’utile à l’agréable.
Tricoter en public ne laisse pas indifférent : les commentaires vont du sarcasme à l’admiration. Tant mieux si des personnes sont tentées de se remettre à tricoter en me voyant avec mes aiguilles et pelotes. Car tricoter est un loisir concret, ancré dans l’ici et le maintenant, et perméable aux interactions sociales : on peut le pratiquer en parlant, en philosophant ou en riant avec son voisin ou sa voisine. Le regard est tourné vers l’autre (même si on jette de temps en temps un œil à son ouvrage pour ne pas faire de faute), contrairement à celles-ci et ceux qui « hypnotisent » leur smartphone !
J’apprécie aussi le côté « méditatif » du tricot. Il a été démontré que cette activité calme, détend et rend plus heureux. Réaliser par soi-même une pièce de vêtement ou de décoration est aussi très gratifiant, ce qui se répercute sur le moral en augmentant la sensation de bonheur.
Et sinon, ringard le tricot ? Plutôt tendance, à voir le nombre croissant de jeunes gens (y compris des garçons) qui tricotent ou crochètent. Les initiatives privées comme les « Trico-thé » ou les « Café-tricot » fleurissent. Le tricot et le crochet ont un bel avenir et c’est tant mieux !
Merci à Nathalie pour son engagement !
Depuis 2014, avec notre famille (2 enfants de 12 et 13 ans), nous avons adopté un mode de vie zéro déchet/zéro gaspillage. D’abord un peu par curiosité, mais surtout dans le but de réduire les déchets et le gaspillage. On a vite compris que nous pouvons faire beaucoup plus que simplement recycler ! Le mode de vie et le principe des 5R de Béa Johnson nous a aidé à prendre conscience de notre consommation irrationnelle et à changer de comportement : nous avons cessé d’acheter des produits suremballés, et surtout nous avons commencé à dire « non merci » lorsque nous n’avions pas l’utilité de l’objet qu’on voulait nous offrir. Tout naturellement, nous avons débuté par l’achat en vrac dans les commerces de la région, au marché, ou directement chez le producteur. Dans la salle de bain, réduction du nombre de produits et retour au bon vieux savon dur et aux mouchoirs en tissu. Certains produits comme la lessive sont fabriqués à la maison – en mode DIY (do it yourself).
Et nous avons fini par réaliser que tout était lié. Les tas de déchets que l’on produit génèrent un gaspillage énorme (pas visible et bien caché), et les habits en font partie ! Je n’avais alors plus envie d’acheter des vêtements synthétiques, de mauvaise qualité et de source inconnue. J’en avais assez de ne pas savoir comment les ouvrières sont traitées, comment les ressources sont gérées, et comment les biens sont transportés. Les premiers mois, je n’avais pas besoin d’acheter de nouveaux habits, l’armoire débordait… Mais les enfants grandissent et nous avons fini par avoir besoin d’acheter de nouveaux vêtements. Nous avons alors ressenti de la frustration, car aucune indication sur la provenance réelle ou la démarche « RSE » (responsabilité sociétale des entreprises) n’était donnée sur les habits. Une sacrée découverte… Les grandes marques ne s’intéressent pas à leurs responsabilités et n’ont aucune sensibilité par rapport à l’éthique. Seul le bénéfice compte.
Aujourd’hui, nous achetons la plupart de nos habits en seconde main. Refuser le neuf et réutiliser, c’est une manière de faire durer une pièce fabriquée. Grâce au site de FAIR’ACT, nous avons découvert de bonnes adresses. Ce n’a pourtant pas été simple de trouver une veste qui plaise à une fille de 13 ans et qui remplisse mes attentes ! Nous avons cherché dans les marchés d’occasion, les foires d’échange et auprès d’amis, mais sans succès : nous avons donc dû faire des concessions sur cette veste, mais j’ai contacté le fabricant par écrit pour en savoir plus.
Contre toute attente, nous avons aujourd’hui plus de temps pour l’essentiel, pour vivre et passer de bons moments avec notre famille et nos amis. Cette situation me permet de développer des projets sur des thèmes environnementaux, entre autres la fondation de l’association ZeroWaste Switzerland qui accompagner la population suisse dans une réduction durable des déchets.
Animée par la mission de réduire les déchets et le gaspillage, j’ai trouvé le courage de quitter ma « boîte » et de revoir ma manière de faire les choses. Eviter les déchets et le gaspillage demande de réinventer et repenser la quasi-totalité des processus, routines, tâches, et la manière de consommer ; j’ai diminué la complexité, la longueur des chemins, et ainsi les déchets et le gaspillage. Je me sens utile, mon travail est valorisé et l’échange avec les autres m’aide à trouver des solutions, développer des idées, les exploiter et prendre des risques.
Tout le monde peut ainsi profiter de la valeur créée !
Merci à Isaline pour son témoignage !
Avant, j’étais le genre de femmes à passer un samedi à dévaliser les magasins et le genre de maman à commander la énième paire de chaussures pour sa fille pour qu’elle puisse la mettre avec sa petite robe bleue. Je ne réfléchissais pas. Mon dressing était immense et débordait de vêtements que je ne portais pour la plupart qu’une seule fois.
J’ai ensuite pris conscience de notre impact écologique et des conséquences du changement climatique. Mais même en étant informée, je restais dans cette espèce de bulle en me disant que cela ne servait à rien de faire plus d’efforts, que d’autres en faisaient bien moins et que je n’arriverais jamais à être irréprochable. Et puis, un jour, j’ai entendu Pierre Rahbi citer la fameuse légende du colibri :
Un jour, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! » Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »
Alors j’ai su que peu importe ce que les gens disent et peu importe si nos actions ont peu de répercussions sur le réchauffement global, nous devions faire notre possible à notre échelle et en fonction de notre contexte familial.
Changer les habitudes de consommation en matière de vêtements, c’est un vrai défi avec 4 enfants ! Pour atteindre notre objectif, nous avons investi dans une machine à coudre. Elle a, entre autres, déjà sauvé plusieurs pantalons d’enfant… Les habits des aînés sont gardés pour les suivants, transmis aux amis ou revendus en seconde main.
Nous gardons ceux que nous pouvons détourner, customiser ou réutiliser pour des costumes, des bricolages ou des habits de poupée. Nous fréquentons les vide-greniers, les boutiques de seconde-main et les trocs de notre région. Chaque fois que nous le pouvons, nous privilégions des habits confectionnés en Suisse ou en Europe et dont nous connaissons la traçabilité.
Aujourd’hui, mon armoire est quatre fois plus petite qu’avant et pourtant je n’ai pas la sensation de manquer de quoi que ce soit. Au contraire. Réduire ne veut pas dire se priver en qualité ou en quantité. Réduire signifie réfléchir ses achats, acheter en cas de besoin un vêtement qui nous plait vraiment, un basique qui puisse passer les saisons et les modes.
C’est vrai que nous allons encore dans des grandes enseignes pour quelques pièces. Nous ne sommes pas irréprochables et c’est encore parfois plus « facile » d’y faire vite un détour en cas de besoin. Cependant, je tiens à jour une liste de nos besoins sur mon téléphone (une paire de basket, un t-shirt noir, etc) et je la consulte avant chaque passage en caisse avec la fameuse question « En ai-je vraiment besoin ? » Nous avons, grâce à cette méthode, déjà évité de nombreux achats compulsifs.
FAIR’ACT signifie pour nous être conscients de notre manière de consommer qui doit être en accord avec nos valeurs. Réduire nos achats vestimentaires nous a permis de dégager du temps (moins de lessives, moins de rangement) pour profiter de choses qui n’ont pas de prix, comme une balade en forêt.
Merci à Paulin pour sa créativité !
Paulin, 17 ans,
Lausanne (VD)
Un jour, dans l’atelier de costumes de ma mère, j’ai aperçu puis emmené avec moi une chemise bleue, épaisse, qui allait – j’en étais convaincu – enrichir ma garde-robe.
Excité et réjoui, je l’emporte rapidement chez moi et la dépose avec soin sur un cintre. Mais soudain, horreur : je constate avec effroi une tache de colle totalement immonde et indélébile qui salit le dos de ma chemise…
Le doute s’installe, les interrogations, la remise en question et la perte d’espoir. Cette chemise ne pourra-t-elle jamais être portée? Dois-je déjà dire adieu à cette pièce rare que je voyais briller parmi mes pantalons et mes chaussettes?
C’est à ce moment précis qu’intervient l’élan et l’enthousiasme. Au lieu de jeter la chemise, ma mère me suggère de recouvrir la répugnante tache de colle par une douce et délicate broderie. Je suis séduit par la proposition et me mets au travail. Je me munis alors de matériel de base, de fils et d’aiguilles, et entreprends avec courage et détermination la création d’une rose (oui, une rose) brodée, faite de couleurs subtiles et variées.
En m’inspirant, sur Internet, de modèles, de collections et d’esthétiques, je parviens à réaliser une somptueuse broderie, à sauver ma chemise, et à personnaliser un vêtement.
Et grâce à cette touche d’artisanat, l’habit devient inédit, et mon style est plus riche, plus subtil et plus original. D’ailleurs, j’ai à ce jour élargi la pratique de la broderie aux jeans et aux chaussettes !
Merci à Shashi pour son enthousiasme !
Shashi, 35 ans,
Vufflens-la-Ville (VD)
Comme tout le monde, je suis consommatrice de vêtements. Jusqu’il y a peu – et ça me fait bizarre de l’avouer -, j’avais pour habitude d’acheter sans me renseigner sur la provenance ou la traçabilité de l’habit.. Je me suis toujours dit que si tout le monde faisait ainsi il n’y avait pas de raison que je fasse différemment. Mais c’était une erreur. Il s’agit justement de modifier sa propre conscience et de sortir du « faire comme tout le monde » pour aller vers un « agir ensemble »…
Née en Suisse et originaire de l’île-Maurice, je suis sensible à la migration, au mouvement des objets, des vêtements et des individus. Mais je trouvais important de correspondre à une image de mode actuelle, ce qui m’empêchait d’aller plus loin dans mes réflexions. Je me maintenais dans ce confort en évitant de penser à tout ce que ce phénomène engendrait et détruisait : les personnes qui travaillent tout au long de la chaîne de production, leurs conditions de vie, de travail, d’hygiène, le transport, etc. Tout ça pour un bout de tissu…
Désormais, je me renseigne, je regarde les étiquettes des vêtements, discute avec les vendeurs, les questionne et veille à acheter un vêtement seulement lorsque c’est vraiment nécessaire. Je tâche également de multiplier les échanges de vêtements.
Je suis par ailleurs très engagée au sein d’une société de gymnastique. C’est magnifique de voir les performances sur scène des gymnastes et de leurs vêtements de couleurs ! Mes réflexions m’ont également conduit à questionner la provenance de cette masse d’habits. Là également, il est désormais important pour moi, lors du prochain changement des tenues, de mieux me renseigner pour garantir une certaine traçabilité et éthique de leur production. J’ai ainsi apprécié pouvoir contacter FAIR’ACT pour en discuter et essayer de trouver des pistes d’amélioration.
Aujourd’hui, je me rends compte que changer sa façon de penser et vouloir se renseigner sur la provenance des vêtements, c’est un pas énorme. Faire différemment pour les prochains achats, c’est le message simple et positif que je transmets à mon entourage.. Cela a été un nouveau déclic. J’essaie de faire évoluer notre façon de vivre et de « faire acte » au sein de la famille. Le vélo est plus utilisé, le marché bio le plus proche est plus fréquenté, de la nourriture bio et/ou locale est majoritaire dans notre frigo, les notions d’écologie sont discutées avec nos enfants, je ne fréquente plus certaines chaînes de magasin de vêtements, je m’assure de la provenance des vêtements, j’essaie de moins consommer et de faire tourner les habits entre les personnes, je cherche différentes manières de réutiliser du PET, du carton et d’autres matières afin de les recycler sous d’autres formes chaque fois que c’est possible.
Je me sens aussi mieux avec ma conscience. Des petits gestes pour penser plus loin…
Images de notre photomaton installé lors de la Fashion Revolution Day à Sierre, le 21 avril 2018
Images de notre photomaton installé lors de l’inauguration de fairact.org, dans la boutique ateapic à Lausanne.